• Deux vieux philosophes

     

     

    Au hasard des chemins de poussière ils se croisent parfois.

    S'observent.

    Ils ne sont pas amis, même pas ennemis, simplement ils s'ignorent.

    Leurs nombreuses différences imposent ces distances.

     

    L'un, vieux bougon, promène un air un peu triste.

    Ses enfants tracent au loin des routes au parcours sinueux, à l'avenir bien incertain car cette famille discrète est de plus en plus clairsemée. Il semblerait que la solitude leur aille bien et une mère et son rejeton est bien le maximum que l'on puisse rencontrer.

     

    L'autre plus triomphant, claironne fièrement qu'il passe avec les siens et tout le monde autour s'écarte prudemment. Quand le clan se déplace il lui faut de l'espace. Loin d'être détestée la nombreuse famille inspire le respect car tout le monde ici les connaît comme étant de vieux sages depuis la nuit des temps.

     

    En tant que puissants leur plus gros défaut est de tout bousculer. Faire d'une forêt une plaine infertile ne les dérange pas, puis ils s'en vont ailleurs quand tout est saccagé faire un autre saccage.

     

    Le temps effacera les traces du passage et jusqu'au souvenir.

    Les forêts finissent toujours par revenir.

    Étranges arbres qui ne marchent pas mais pourtant se déplacent.

     

    A bien y regarder ce triomphe est factice et ne trompe personne.

    Ce cri tonitruant ressemble au chant du cygne d'un seigneur qui s'épuise.

    Son œil est fatigué. Observant ses enfants on voit dans son regard qu'il est désabusé.

    Son pas d’ordinaire lent devient de plus en plus pesant.

     

    Pourtant l'un et l'autre continuent d'avancer.

    Peut-être soutenus par une étrange foi.

     

    Les matins de lumière deviennent poussiéreux, pour aller à la source on va toujours plus loin et l'eau tiédasse est moins limpide mais les enfants barbotent et bien sûr ne voient rien du voile qui se pose grisant les lendemains.

     

    Les deux vieux se demandent au détour du chemin où s'en va leur voyage, pas le leur qui est presque à son terme mais celui des suivants.

     

    Dans ce pays où la terre est de plus en plus rouge, on dit que c'est du fer qui la colore ainsi,moi je crois plus au sang qui abreuve le sable.

     

    Dans cent ans c'est à peu près certain qu'ils ne seront plus là.

    L'un traînant ses deux cornes et l'autre ses défenses sur le sol africain.

    Ils auront eu la sagesse d'abandonner ce monde qui n'est plus fait pour eux.

     

     

     


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    J'ai peur

     

     

    Mes idées vagabondent vers des rêves impossibles

    des formes sans images, des hurlements muets.

     

    Bulles fragiles, impalpables, aux limites du danger.

     

    Quand vers un vide informe

    juste au bord du hasard

    je regarde demain.

     

    Inaccessible.

     

    Il est déjà trop tard pour l'espoir.

     

    Alors je tombe

    et la chute est immonde.

     

    Insupportable au cœur qui crève lentement aux frontières d’un monde

    où surnagent des peurs.

    Celles de l’inconnu

    celles de la solitude

    qui déchirent le sommeil

    dans cette obscurité où s’installe l’habitude

    d’une vie sans soleil.

     

    Alors la bête immonde

    ronge patiemment mon corps qui abrite un tourment que personne ne voit

    mais qui lutte toujours contre cette indicible

    création de souffrance.

    Avec parfois la force de se croire invincible

    malgré la déchéance.

     

     

    Je suis seul.

     

     

    C’est le lot de chacun et certains y survivent,

    du moins le pensent- ils car ils ne voient aucun

    radeau à la dérive

    qui emporte leur vie.

     

    J'en ai connu combien, dont les yeux vides,

    un jour ont croisé mon regard ?

     

    Ils marchent encore mais ils sont déjà morts

    Leur vie est au néant.

     

     

    Alors, pour fuir cela, je n'ai pas d'autre choix...

     

    Je suis artiste............


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    La «Terre-mère» ce n'est pas une métaphore, c'est la réalité.

    Pierre Rabhi.

     

     

     

     

     

    Je marchais depuis des heures.

    La forêt sous une chape grise transpirait.

     

    De grosses gouttes tièdes s'écrasaient au sol, s'unifiaient en ruisselets tremblants avant de se perdre dans une fissure cachée.

     

    J'en voyais enfin le bout de cette forêt humide qui laisserait bientôt sa place à une herbe rase.

    Quelques taches vertes posées sur la grisaille de la pente.

     

    Émeraudes éparses grouillantes de vies.

     

    Insectes fous.

     

    Au sommet la récompense: nue et sombre se détachant du bleu,

    et au fond l’œil qui plonge dans ce rouge enfer, le cratère du volcan.

     

    Une blessure au sang épais, celui de la Terre.

    Glissements de serpents torturés dans la gueule du monstre.

    Une terreur de bulles crevant à sa surface.

     

    Sur les bords, la plaie devenant cicatrice offrait au regard les gerçures noircies d'un rictus de souffrance.

     

    J'avais voulu la voir cette force de vie qui roule sa puissance sous la peau de la Terre.

     

    Arrêter de douter.

    Et je la voyais enfin, et j'avais la preuve que cette poussière d'univers - ma maison - pouvait mourir puisqu'elle était vivante.

     

    Je pouvais revenir au clan.

     

    Leur apprendre à aimer notre mère enfin.


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