-
La corrida.
Matador
Tu es venu le voir un jour avant sa mort dont tu ne doutes pas.
Depuis toutes ces années que tu es le vainqueur un seul doute t’obsède, « ton toro sera-t-il en puissance et courage, capable de grandir ton image. Matador. D’auréoler ta gloire ».
Sera-t-il assez "brave" pour être digne de Toi ?
Tu veux sous les vivats, les olé, les bravos sentir vibrer la foule ! Tout le reste est si vain…
Et la vie d’un toro pèse si peu de choses face à son vainqueur gonflé de vanité !
Ta technique est au point et avec ta cuadrilla, envols et tourbillons, piques et banderilles écraseront au sol six cents kilos de rage.
Et la foule hurlera ! Debout sur les gradins ! Et elle réclamera du toro déjà mort qu’il abandonne encore ses oreilles et sa queue !
Comme si son massacre n’était pas suffisant.
Comme si il fallait l’humilier un peu plus.
Toréro d’un côté, admirateurs de l’autre.
En tout plusieurs milliers et pas un pour se dire : « Mais qu’est-ce que je fais là ? D’où me vient cette joie de voir quelques pantins, barbares d’un autre temps saouls de trancher à vif un toro innocent…Quels drôles de bas instincts peuvent m’entrainer ici, sur ce disque doré pour voir danser la mort »…
Novembre 2012, remanié le 01.12.2017
Toro
Des terres d’Andalousie où je vivais serein depuis quatre ou cinq ans mes souvenirs affluent.
En parfums de prairies, en ombres d’oliviers, en sons tous familiers, et mon regard portait des montagnes à la mer et en songes plus loin…
Depuis une semaine, un corral, quatre murs et cinq autres toros que je ne connais pas sont tout mon univers.
J'étais en paix mais aujourd'hui un instinct de guerrier remue au fond de moi qui gronde et s’amplifie quand des hommes sont là.
Ils viennent, nous observent. Je ne sais pas pourquoi mais je sais bien qu’ils sont la cause de mon malheur.
Alors j'attends mon heure… si l’un d’eux se découvre…
Du toril de nuit noire un carré de lumière ! Cet éclat de soleil que j'espérais tant ! Quelques pas à franchir et je suis libre !
Mais… Ce cercle de poussière, jaune et rouge sanglant.
Cette foule en délire ! Ce vacarme !
Et du bois se détachent, virevoltants tissus, des capes roses et jaunes dans la lumière crue.
Tu ne peux plus t’enfuir, le piège est refermé.
Il te reste à lutter.
Le picador saura sur son cheval aveugle savamment découper les muscles de ton dos et déchirant ton cou créer une fontaine qui noiera tes épaules, tes pattes, tes sabots.
Infirme désormais, tes armes inutiles, le mufle au ras du sol tu sentiras le sable et le verras rougir de ta vie qui s’en va.
Il boira tout ton sang en larges tâches rouges.
Peut-être à ce moment sauras-tu que la mort s’invite dans ta vie, prête à la remplacer.
Ces danseurs de lumière agitant leurs épées sont là pour la servir.
Tes yeux vont se fermer…
Oui, ils vont se fermer loin de l’Andalousie…
Des ombres d’oliviers…
Des parfums de prairie…
Novembre 2012 remanié le 01.12.2017
votre commentaire -
J'aime les voyages, mais de celui-là je m'en serais passé.
Heureusement j'étais bien accompagné.
Nouveaux explorateurs
Et le temps s'est enfui où l'on pouvait encore
hésiter réfléchir
se demander pourquoi
se faire ouvrir en deux serait si important
Et le temps est venu d'aller poser son corps
aux frontières d'un monde
où règne l'inconnu des terres inexplorées
Aller frôler la mort
Pour des explorateurs d'un continent nouveau peuplé d'incertitudes
Accepter de dormir sans être vraiment sûr
que l'éveil attendu sera au rendez-vous
Implacable
Le trait de la lame d'acier
révélera l'envers du décor familier
Montagnes irriguées de rivières vermeilles
où nul soleil jamais n'effleura les vallées
Alors
Au bout des doigts des gestes magiciens
rétabliront le cours des fleuves asséchés
et leurs voies de rubis transporteront la vie
qui s'épuisait déjà aux rives affaiblies
Avoir frôlé la mort
et puis renaître et vivre
27 / 12 / 2015 .
votre commentaire -
Là-bas où j'ai rêvé.
La côte des squelettes
L'océan comme une huile
Offre ses lames bleues au sable qui se noie
sous les eaux de cristal
Aux franges du désert l'onde et le grès s'animent
Une étreinte lascive
que le soleil sublime
Ici
la vie est née
œuvre d'art avant l'art
pour aimer le soleil sous les ondes trop froid
Ici
La vie se perd
et ses os cathédrales défient les éléments
près des navires échoués que la grève digère
en un siècle patient
ici
la vie hésite
elle erre quelquefois aux silences froissés
quand l'aube n'ose pas effacer les ténèbres
Le soir
Une douceur orange inonde l'océan
quand le soleil vaincu se dilue dans le bleu
Mais la nuit en ces lieux ne triomphe jamais
Si le jour s'évanouit
c'est l'éclat des étoiles qui luciole les vagues de mille tremblements
Du grand large s'élève un long soupir glacé
Portée par des brumes légères
une source de vie
attendue au désert
dont chaque grain aura son infime trésor
Sa particule d'eau
L'âpre vie du sous-sol n'attendait que cela
Elle sort des terriers
Le lézard
L'araignée
boivent cette rosée
Puis l'un dévore l'autre
et aux premiers rayons va dormir sous le sable
Depuis des millions d'années
L'ondulation des eaux quand le vent s'y repose
Les battements de cœur du désert du Namib
votre commentaire