• poésies

     

     

    Que sait-on des pensées des pensionnaires ici ?

    Et de leurs souvenirs...

     

    Une prison

     

    Quand j'ai vu ce regard

    Deux pierres d'ambre brun en infinie tristesse

    Deux pierres qui m'ont dit

    Mon pays va mourir  

    Bien sûr les mères vont porter d'autres bébés

    Bien sûr elles vont croire aux ciels bleus

    aux étoiles

    aux soleils de tous les matins calmes

    à l'immense des arbres qui repoussent les déserts

    Malgré les pistes de goudron les branches de métal les ombres de ciment et les eaux-immondices où leurs petits joueront

    et s'empoisonneront

    Elles essayeront bien sûr

     

    Ce regard des forêts du Congo

    arraché un matin de son paradis vert

    Et maintenant

    Une cage un rocher et quelques fruits jetés

    Son cœur bat dans un zoo

     

    Mais il a comme nous une mémoire ancienne plus vieille que Lucy

     

    Je n'en suis pas bien sûr mais j'ai cru voir de l'eau au lac de ses yeux sombres

    Et mon cœur quant-à lui était déjà noyé quand j'ai fui ce gorille

     

    Bien sûr les mères vont encore croire au ciel aux étoiles et porter des bébés

     

    Bien sûr

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    comme une ombre 3

     

    • Celui qui cueille une fleur dérange une étoile. (Francis Thompson.)

     

     

    J'aurais aimé glisser sur la vie comme une ombre

     

    qui se love au soleil

     

    Rêver d'instants fragiles

     

    où affleurent les êtres

     

    Vivre dans ce désir

     

    de ne pas les blesser

     

    J'aurais aimé glisser sur la vie comme une ombre

     

    Léger comme un regard sur un souffle de vent

     

    qui s'échoue au hasard

     

    et vit

     

    Un seul jour ou mille ans

     

    Vie d’insecte ou de roc

     

    J'aurais aimé glisser sur la vie comme une ombre

     

    et n'avoir jamais peur de mes égarements

     

    pour apprendre à aimer

     

    le voyage du temps

     

    J'ai tué

     

    déchiré

     

    anéanti des vies

     

    comme n'importe qui

     

    Si j'avais pu passer sur la vie comme une ombre

     

    sans jamais la briser

     

    J’aurais peut-être aimé

     

    être un être vivant 

     

    Mais depuis cent mille ans je vis au bord des larmes

     

     tout près du précipice où le bonheur vacille

     

     l'attente de l'instant pour déposer les armes

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Deux vieux philosophes

     

     

    Au hasard des chemins de poussière ils se croisent parfois.

    S'observent.

    Ils ne sont pas amis, même pas ennemis, simplement ils s'ignorent.

    Leurs nombreuses différences imposent ces distances.

     

    L'un, vieux bougon, promène un air un peu triste.

    Ses enfants tracent au loin des routes au parcours sinueux, à l'avenir bien incertain car cette famille discrète est de plus en plus clairsemée. Il semblerait que la solitude leur aille bien et une mère et son rejeton est bien le maximum que l'on puisse rencontrer.

     

    L'autre plus triomphant, claironne fièrement qu'il passe avec les siens et tout le monde autour s'écarte prudemment. Quand le clan se déplace il lui faut de l'espace. Loin d'être détestée la nombreuse famille inspire le respect car tout le monde ici les connaît comme étant de vieux sages depuis la nuit des temps.

     

    En tant que puissants leur plus gros défaut est de tout bousculer. Faire d'une forêt une plaine infertile ne les dérange pas, puis ils s'en vont ailleurs quand tout est saccagé faire un autre saccage.

     

    Le temps effacera les traces du passage et jusqu'au souvenir.

    Les forêts finissent toujours par revenir.

    Étranges arbres qui ne marchent pas mais pourtant se déplacent.

     

    A bien y regarder ce triomphe est factice et ne trompe personne.

    Ce cri tonitruant ressemble au chant du cygne d'un seigneur qui s'épuise.

    Son œil est fatigué. Observant ses enfants on voit dans son regard qu'il est désabusé.

    Son pas d’ordinaire lent devient de plus en plus pesant.

     

    Pourtant l'un et l'autre continuent d'avancer.

    Peut-être soutenus par une étrange foi.

     

    Les matins de lumière deviennent poussiéreux, pour aller à la source on va toujours plus loin et l'eau tiédasse est moins limpide mais les enfants barbotent et bien sûr ne voient rien du voile qui se pose grisant les lendemains.

     

    Les deux vieux se demandent au détour du chemin où s'en va leur voyage, pas le leur qui est presque à son terme mais celui des suivants.

     

    Dans ce pays où la terre est de plus en plus rouge, on dit que c'est du fer qui la colore ainsi,moi je crois plus au sang qui abreuve le sable.

     

    Dans cent ans c'est à peu près certain qu'ils ne seront plus là.

    L'un traînant ses deux cornes et l'autre ses défenses sur le sol africain.

    Ils auront eu la sagesse d'abandonner ce monde qui n'est plus fait pour eux.

     

     

     


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  •  

    J'ai peur

     

     

    Mes idées vagabondent vers des rêves impossibles

    des formes sans images, des hurlements muets.

     

    Bulles fragiles, impalpables, aux limites du danger.

     

    Quand vers un vide informe

    juste au bord du hasard

    je regarde demain.

     

    Inaccessible.

     

    Il est déjà trop tard pour l'espoir.

     

    Alors je tombe

    et la chute est immonde.

     

    Insupportable au cœur qui crève lentement aux frontières d’un monde

    où surnagent des peurs.

    Celles de l’inconnu

    celles de la solitude

    qui déchirent le sommeil

    dans cette obscurité où s’installe l’habitude

    d’une vie sans soleil.

     

    Alors la bête immonde

    ronge patiemment mon corps qui abrite un tourment que personne ne voit

    mais qui lutte toujours contre cette indicible

    création de souffrance.

    Avec parfois la force de se croire invincible

    malgré la déchéance.

     

     

    Je suis seul.

     

     

    C’est le lot de chacun et certains y survivent,

    du moins le pensent- ils car ils ne voient aucun

    radeau à la dérive

    qui emporte leur vie.

     

    J'en ai connu combien, dont les yeux vides,

    un jour ont croisé mon regard ?

     

    Ils marchent encore mais ils sont déjà morts

    Leur vie est au néant.

     

     

    Alors, pour fuir cela, je n'ai pas d'autre choix...

     

    Je suis artiste............


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  •  

    La «Terre-mère» ce n'est pas une métaphore, c'est la réalité.

    Pierre Rabhi.

     

     

     

     

     

    Je marchais depuis des heures.

    La forêt sous une chape grise transpirait.

     

    De grosses gouttes tièdes s'écrasaient au sol, s'unifiaient en ruisselets tremblants avant de se perdre dans une fissure cachée.

     

    J'en voyais enfin le bout de cette forêt humide qui laisserait bientôt sa place à une herbe rase.

    Quelques taches vertes posées sur la grisaille de la pente.

     

    Émeraudes éparses grouillantes de vies.

     

    Insectes fous.

     

    Au sommet la récompense: nue et sombre se détachant du bleu,

    et au fond l’œil qui plonge dans ce rouge enfer, le cratère du volcan.

     

    Une blessure au sang épais, celui de la Terre.

    Glissements de serpents torturés dans la gueule du monstre.

    Une terreur de bulles crevant à sa surface.

     

    Sur les bords, la plaie devenant cicatrice offrait au regard les gerçures noircies d'un rictus de souffrance.

     

    J'avais voulu la voir cette force de vie qui roule sa puissance sous la peau de la Terre.

     

    Arrêter de douter.

    Et je la voyais enfin, et j'avais la preuve que cette poussière d'univers - ma maison - pouvait mourir puisqu'elle était vivante.

     

    Je pouvais revenir au clan.

     

    Leur apprendre à aimer notre mère enfin.


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  •  

    Au fond de leur pays les arbres ont des silences

     

    Des silences inquiétés du tranchant de la hache

    du cri des tronçonneuses

     

    Au profond des forêts

    leurs vibrations nous parlent mais nous n’écoutons pas

    et taillons dans leur chair

     

    jusqu'à la chute

     

    jusqu'au fracas

     

    Leurs cris sont des murmures au froissement des feuilles

    et leurs oiseaux chassés ont le vol éthéré

    des âmes en exil quand la pénombre glisse

    aux clartés des étoiles

     

    Les arbres ont des chagrins qui coulent de leurs plaies

    et fuient comme des ombres

    aux entrailles du sol

     

    Dans leurs forêts mouillées

    sur la mousse attendrie

    ils tremblent doucement

    et pleurent leurs espoirs qui n’ont plus d'avenir

     

     

    Ils pleurent leurs amis traînés par les charrois.

     

     

     

     


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  • Vertige d'une partition 

     

    Tu es un violon

    une lyre

    un piano

     

    Je joue ma partition sur ton clavier mouvant

    aux touches délicates où meurent mes doigtés

     

    Je t'écoute

    Les sons pianissimo s'éteignent doucement

     

    Je cherche

    une lyre qui naît

    sous mes pincés coquins offre ses tremblements

     

    et je joue

     

    encore

    au jeu du clair de lune

     

    dans tes vallées ombreuses

    tes collines soyeuses

    mes triolets violents

    mes glissandos furtifs

     

     

    Tu deviens un violon sous mes doigts amoureux

     

    Mon corps tout entier glisse comme un archet

    et tu miaules et te loves au velours de nos peaux

    quand l'arc de nos cambrures

    nous projette soudain

    dans des songes lointains

     

     

    Un peu plus tard au chemin du retour

    je pianote

    je rêve

    et ton dos frissonnant vibre au tempo de jazz

    quand glissent nonchalants

    les derniers abandons que l'aube nous ravit

     


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  •  



    L'automne qui étend son âme silencieuse
    pèse sur nos épaules et son pastel rouillé 
    nous fait un vêtement saupoudré de grains d'or. 

     À l'hiver impatient qui promet des ornières nous irons musarder 
    – tes doigts au creux des miens – 
    sur les chemins noyés dans des ombres de neige,
    où tes pas, si légers, poseront leur empreinte
    que les vents turbulents effaceront demain.

    Tes mains fines peindront en trésors tamisés les jours de notre vie.
    Rien n'échappe à ton œil des infimes tableaux 
    que l'instant peut offrir : un vif éclair d'oiseau égratigne le ciel
    et ce trait de couleur te réjouit jusqu'au soir.
    Une fleur par erreur vient à naître en hiver
    et tes yeux s'illuminent.

    Belle pour tous les tiens et pour moi plus encore.
    Tu es... 
    Un soupir d'aquarelle sur le pinceau du temps. 
    Et le ciel rose et bleu, déjà frangé de noir, 
    où murmure le soir ne ternit pas nos joies.
    Et je t'aime.

     


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